Pierre
BOUOPDA
L’économie politique, au sens de l’économie de la politique, est mon principal centre d’intérêt en matière de recherche. Il s’agit fondamentalement d’analyser et d’évaluer les comportements et les processus politiques à travers les paradigmes qui sont mobilisés en science économique pour l’analyse des comportements et des choix individuels et collectifs en matière de production, de consommation et d’investissement. En dépouillant les comportements et les processus politiques des dimensions éthiques, sentimentales et idéalistes qui les entourent habituellement en science politique, cette épistémologie, fondée sur la rationalité de l’homopoliticus, donne une grille de lecture ou d’écriture utile à des éclairages complémentaires sur l’histoire et les perspectives politiques des individus et des États. Les espaces étatiques référentiels pour mes travaux empiriques sont l’Afrique en général et le Cameroun en particulier.
Actuellement, dans le cadre de l’Institut du Développement et de la Prospective (IDP EA 1384) à Valenciennes, mes travaux de recherche portent sur la macroéconomie appliquée et le sujet de l’évolutionnisme en économie.
Diplômes universitaires
- 1992 : Thèse de doctorat en Sciences économiques.
Sous la direction de Jean-Pierre Laffargue.
Analyse des séries temporelles, une application à la modélisation macroéconomique des comportements bancaires dans le cas français.
Soutenue en 1992 à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
RésuméNous utilisons dans ce travail, les méthodes récentes de l'économétrie des séries temporelles pour modéliser les comportements macroéconomiques des banques en France. Cette approche de la modélisation nous amène entre autres à examiner les processus stationnaires, les concepts d’intégration et de cointégration avec l'analyse de l'ensemble des tests associés. On explicite aussi notre stratégie de spécification qui s'inspire surtout des travaux de Hendry sur les processus générateurs des données (Data Generating Processes : DGP) et des travaux de Engle et Granger sur les modèles à correction d'erreurs (MCE). Notre méthodologie économétrique débouche sur une homogénéité d’écriture facilitant l'analyse et la lecture de nos modèles empiriques. Ceux-ci ont dans l'ensemble de très bonnes performances statistiques. Il s'agit des modèles des parts de collecte des banques; des équations des taux débiteurs de court terme aux entreprises et aux particuliers; des équations d'offre de crédits a long terme et des émissions obligataires qui sont ici modélisées. Ces résultats sont en grande partie le fruit de la méthodologie économétrique que nous adoptons tout au long de la thèse et qui tranche avec l'approche usuelle en termes de modélisation structurelle.
Intervention TV, radio, audio-visuel
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1.Colloque International - Géopolitique d’un quatuor : la France, les États-Unis, la Chine et l’Afrique
09-10 Octobre 2014 – Université Charles de Gaulle Lille 3. Colloque organisé par le Centre des études en civilisations, Langues et littératures étrangères, CECILLE EA 4074 -Colloque à comité de lecture et sélection
Communication :« L’Afrique face à ses Nouveaux colons »
2.Colloque International - « Évolution et histoire »
19-20-21 Septembre 2012 - Université de Valenciennes. Colloque organisé par l’Axe THEMOS de l’Institut du Développement et de la Prospective (IDP) EA 1384 – Université de Valenciennes
Colloque à comité de lecture et sélection sous la présidence d’honneur de Bernard Bourgeois (membre de l’Institut)
Communication :« De la politique de mise en valeur à celle de développement économique : essai d’illustration de l’instrumentalisation de l’évolutionnisme »
3.Colloque International - « L’État et le destin de l’Afrique »
24-25 Avril 2010 – Paris - Forum Le Lucernaire. Colloque organisé par les Éditions L’Harmattan
Communication :«Pacte colonial, Compagnies concessionnaires, et État en Afrique »
Responsabilités pédagogiques
·Macroéconomie ouverte – L3
Cours sur les modèles macroéconomiques d’inspiration keynésienne en économie ouverte. Revue de la formalisation courante des propriétés théoriques et des recommandations pratiques du modèle keynésien en économie ouverte en changes flexibles et fixes. Les représentations formelles et graphiques sont privilégiées dans l’approche pédagogique. Elles sont suivies, à titre d’illustration, d’exercices corrigés sur les simulations de politiques macroéconomiques conjoncturelles.
·Monnaie et crédit – L2
Cours sur la monnaie et les institutions monétaires. Il démarre par une analyse du concept de monnaie dans une perspective historique. Les conceptions et les formes de monnaie observables dans l’histoire sont ainsi évoquées, de la monnaie-marchandise aux agrégats de monnaie actuels. Le cours se poursuit sur l’analyse du fonctionnement des systèmes monétaire et bancaire français et européens toujours dans une perspective historique. Le rôle et l’importance des banques centrales sont mis en exergue dans le fonctionnement du marché monétaire, dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique monétaire, dans l’édiction des règles prudentielles auxquelles sont astreintes les banques. Le cours s’achève sur l’analyse de l’activité des banques et en particulier sur leur activité de crédit et de création monétaire.
·Théories économiques contemporaines – L3
Cours conçu comme le prolongement du cours de « Macroéconomie ouverte ». Analyse des propriétés théoriques et des recommandations de politiques économiques dans le modèle keynésien en situation d’interdépendance internationale, lorsque les États s’inscrivent dans une démarche de coopération et lorsqu’ils adoptent des stratégies non-coopératives. Le sujet de la soutenabilité des dettes publiques est formellement exposé et traité. Les représentations formelles et graphiques sont privilégiées dans l’approche pédagogique du cours. L’expérience de l’Union européenne en matière de coopérations monétaire et budgétaire est utilisée tout au long du cours à titre d’illustration. Les différents chapitres du cours sont suivis d’exercices corrigés sur les simulations de politiques macroéconomiques conjoncturelles dans les différentes configurations. Le cours s’achève sur une analyse approfondie de la crise financière et économique de 2008.
·Histoire de la pensée économique – L3
Cours classique de l’histoire de la pensée économique. L’un des objectifs du cours est d’éveiller les étudiants sur l’importance de la culture historique en sciences économiques comme dans toutes les disciplines scientifiques. L’approche pédagogique est chronologique. Le cours démarre dans les Temps modernes, et plus précisément à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle (siècle des Lumières), c’est-à-dire à une période où le concept « d’économie politique », apparu à la Renaissance, s’établit scientifiquement. Il s’achève à la fin du XIXe siècle. Sur cette période les principaux sujets théoriques des courants dominants de la pensée économique (Physiocrate, Classique, Néoclassique, Marxiste) sont passés en revue.
·Techniques des séries temporelles – L3
Cours appliqué d’analyse des séries temporelles. Le cours est réalisé en salle informatique. Il s’agit de montrer aux étudiants la portée et l’utilité pratiques des enseignements qu’ils ont reçu par ailleurs en méthodes économétriques et statistiques. Les logiciels GRETL (économétrie) et Excel (Tableur) sont mis à profit pour réaliser des travaux pratiques sur l’estimation de fonctions économiques linéaires et non linéaires ; pour illustrer le travail empirique de spécification de modèles économétriques appliqués ; pour effectuer des travaux de dessaisonalisation de séries temporelles brutes saisonnières de l’INSEE ; etc.
Modèles keynésiens de la macroéconomie
Cours, exercices corrigés et illustrations
L’Harmattan, Collection Enseignements universitaires
Modèles keynésiens de la macroéconomie est un manuel théorique sur les modèles macroéconomiques d’inspiration keynésienne.
Conçu comme un support compact de cours sur une problématique macroéconomique homogène sur le plan théorique (approche keynésienne de la macroéconomie), ce manuel est en particulier destiné aux étudiants de Licence et de Master des facultés d’économie et de gestion. Il passe en revue la formalisation courante des propriétés théoriques et les recommandations pratiques du modèle keynésien en économie fermée et en économie ouverte, avec ou sans interdépendance extérieure. Les représentations formelles et graphiques sont privilégiées dans l’approche pédagogique du manuel. Elles sont suivies, à titre d’illustration, d’exercices corrigés sur les simulations de politiques macroéconomiques conjoncturelles.
Le livre s’achève sur une analyse de la genèse et du traitement de la crise financière et économique de 2008. La reproduction, dans le dernier chapitre, des résumés des plans de relance adoptés en France, aux états-Unis et en Chine après le déclenchement de la crise en 2008, permet d’évaluer l’actualité du « keynésianisme » dans la macroéconomie appliquée contemporaine.
ISBN : 978-2-343-02445-5
L'indépendance du Cameroun - Gloire et naufrage politiques de l'UPC
L'Harmattan - Collection Etudes africaines - Série Histoire
AVANT-PROPOS
En introduction de son ouvrage intitulé Le mouvement nationaliste au Cameroun[1], Richard Joseph s’interroge ainsi :
Comment se faisait-il qu’un pays où un mouvement nationaliste si large, si dynamique et progressiste s’était développé après la Deuxième Guerre mondiale, un pays qui nourrissait une tradition anticolonialiste si forte depuis le début de la domination allemande, ait pu accéder à l’indépendance avec un régime et une direction qui avaient si peu de points communs et s’inspiraient si peu de ce passé vibrant ?
Cette question subodore une « énigme » comme il l’écrit, voire une escroquerie politique au sujet de l’indépendance du Cameroun. Elle est à l’origine de ce livre.
Il n’y a en effet aucun doute sur le fait que l’Union des populations du Cameroun (UPC) était un mouvement politique anticolonialiste, nationaliste et populaire au début des années 1950. Anticolonialiste parce qu’il était à l’avant-garde de la lutte contre les abus coloniaux au Cameroun. Nationaliste parce qu’il portait avec bravoure la revendication indépendantiste. Il s’affirmait aussi comme un parti populaire et de masse. Il inscrivait enfin son action dans le mouvement africain et mondial d’émancipation coloniale, particulièrement vivant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Il est aussi vrai que les traditions anticolonialiste et nationaliste sont anciennes au Cameroun. Leurs premières manifestations remontent à la fin du XIXe siècle au lendemain de la signature du Traité « Germano-Douala » dont l’interprétation divergente de certaines clauses détermine une crise politique majeure et durable entre les populations douala et les pouvoirs publics de l’empire Allemand. La pendaison de Rudolf Douala Manga le 8 août 1914, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, sanctionne en grande partie son rejet du colonialisme et l’expression nationaliste de la cause de ses mandants.
Les statuts internationaux successifs du Cameroun (Territoires sous mandat de la Société des Nations (SDN), Territoires sous tutelle des Nations Unies (ONU)), acquis depuis la fin de la Première Guerre mondiale, entérinent enfin la reconnaissance internationale des sensibilités anticoloniale et nationaliste des Camerounais. Aussi, dès la fin des négociations du Traité de paix de Versailles, les Territoires camerounais ont vocation à l’indépendance. Cette perspective est clairement inscrite dans la Charte des Nations Unies adoptée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Les Territoires camerounais et plusieurs autres Territoires en Afrique et dans les îles du Pacifique sont placés sous le régime international de la tutelle des Nations Unies. Aucun de ces Territoires, en dehors du Territoire camerounais sous administration française, n’accède à l’indépendance ou à la pleine autonomie dans des conditions violentes, l’autonomie ou l’indépendance étant la finalité de leur statut international.
À la lumière de ce qui précède, la question de Richard Joseph est connexe à la suivante :
Pourquoi un mouvement nationaliste si large, si dynamique et progressiste, imprégné d’une tradition anticolonialiste si forte, dans un Territoire placé sous le régime international de la tutelle des Nations Unies, a recouru à la lutte armée dans la revendication d’un objectif consubstantiel au statut juridique de ce Territoire ?
La réponse à cette question subsume la réponse à Richard Joseph. Elle est le fil conducteur dans la rédaction de ce livre.
Les combats anticolonialiste et nationaliste de l’UPC au début des années 1950 reposent principalement sur un argumentaire juridique inspiré par les textes organiques du statut international du Cameroun et les résolutions des instances internationales de la tutelle. Ruben Um Nyobé, son leader historique, exploite les ressources juridiques de ce statut pour contraindre l’ONU à veiller au respect de l’esprit et la lettre des dispositions de sa Charte relatives aux fins essentielles du régime de la tutelle. Sensibles à la pertinence de l’argumentaire de l’UPC, les instances de la tutelle des Nations Unies produisent une série de résolutions au début des années 1950 invitant les puissances administrantes à accélérer les réformes politiques et sociales ouvrant rapidement la voie à la levée de la tutelle par l’indépendance des Territoires camerounais. C’est la période de gloire politique de l’UPC. C’est le parti dominant au Cameroun. Toutes les instances internationales de la tutelle le savent. Les puissances administrantes en sont également conscientes. Ruben Um Nyobé est à cette période une notoriété politique nationale et internationale malgré l’ostracisme politique dont l’UPC est victime au Cameroun.
En 1955, alors qu’elle s’appuyait jusque-là sur le progressisme des ressources juridiques du statut international du Cameroun dans sa quête de libération politique, l’UPC entreprend de recourir désormais au pouvoir coercitif du peuple camerounais, à l’exemple du mode opératoire des mouvements de libération nationale qui prospèrent à l’époque dans des Territoires, possessions des puissances coloniales française, britannique, belge, espagnole et portugaise. L’ostracisme politique qu’elle subit au Cameroun, notamment parce que son action contrarie les velléités intégrationnistes de la France, n’est pas étranger à ce changement risqué de stratégie. L’UPC, au regard de sa popularité, fait cependant le pari de la mobilisation du peuple camerounais pour contourner cet ostracisme, hâter la réalisation de ses objectifs politiques et sa prise du pouvoir. C’est le sens profond de la Proclamation commune pour la fin du régime de tutelle (et) l’édification d’un État camerounais souverain publiée à Douala le 22 avril 1955, que Ruben Um Nyobé, Félix Roland Moumié, Abel Kingué et Ernest Ouandié signent au nom de l’UPC. Un mois plus tard ce sont les émeutes meurtrières du mois de mai 1955. Elles opposent dans la plupart des cas, des militants et sympathisants de l’UPC aux forces de l’ordre de l’administration française.
Pour la France, ces émeutes s’inscrivent dans le prolongement logique de la Proclamation commune du 22 avril 1955. L’UPC porte donc la responsabilité de ces violences meurtrières qui n’aboutissent pas, malgré la lourdeur du bilan, à l’embrasement général du Territoire. Dès lors, l’UPC est assimilée à une organisation révolutionnaire intéressée, moins à l’indépendance du Cameroun, qu’à la prise du pouvoir politique au besoin par la contrainte, voire la force armée. La relation de bienveillance mutuelle avec les instances de tutelle des Nations Unies est compromise. La rupture avec l’administration française est consommée.
Dès le mois de juillet 1955, toutes les organisations politiques signataires de la Proclamation commune du 22 avril 1955 sont dissoutes par le gouvernement français. Les dirigeants et les militants de ces organisations sont pourchassés et certains d’entre eux sont arrêtés et emprisonnés. L’UPC et ses principaux dirigeants en liberté entrent en clandestinité. C’est le début des dissensions internes et le commencement de son naufrage politique.
En clandestinité, l’UPC redécouvre l’importance relative des prérogatives des Nations Unies dans la problématique de l’autonomie ou de l’indépendance d’un Territoire sous sa tutelle. À l’ONU, l’UPC n’est cependant plus considérée comme une organisation militant avec des arguments de droit pour l’aboutissement des fins essentielles du régime de tutelle, telles qu’énoncées dans l’article 76 de sa Charte. Elle est désormais perçue comme un parti politique radical intéressé avant tout par la prise du pouvoir politique, au besoin par la violence. En l’espace de quelques mois, l’UPC a ainsi épuisé son capital de sympathie auprès des Nations Unies. Elle va par la suite essayer en vain de le reconstituer.
À partir de 1956, la France, conformément aux recommandations récurrentes des Nations Unies, intègre désormais l’indépendance du Territoire camerounais sous son administration dans son agenda politique de court terme. Dans une conjoncture tourmentée dans son empire colonial, elle envisage de conduire ce processus à son rythme et sans perdre la face, c’est-à-dire, sans donner l’impression d’y être contrainte et forcée.
Exclue du processus officiel de génération de l’indépendance du Cameroun, l’UPC se radicalise et cède à la tentation de la lutte armée pour bloquer de force ce processus. À cette occasion, elle définit deux catégories de Camerounais et s’arroge le droit d’exterminer ceux qui n’adhèrent pas à ses options politiques. Les Camerounais qui rejettent le processus politique conduit par la France et supervisé par les Nations Unies sont considérés comme des « nationalistes ». Ils ont droit à la vie. Ceux qui sont parties prenantes dans ce processus politique, c’est-à-dire tous ses concurrents autochtones, sont des « valets» des colonialistes. Ils n’ont pas droit à la vie. Au mois de décembre 1956, l’UPC va ainsi assumer la responsabilité de l’une des séries de violences les plus meurtrières au Cameroun.
À partir de 1958, lorsque le Cameroun sous administration française s’achemine concrètement vers la levée de la tutelle des Nations Unies par son indépendance, l’UPC approuve cet objectif consensuel, mais suggère des conditions préalables qu’elle soumet à l’arbitrage des Nations Unies. Elle souhaite, comme plusieurs États membres des Nations Unies, l’abrogation du décret de son interdiction (décret du 13 juillet 1955), et l’organisation des élections générales avant la proclamation de l’indépendance. Autrement dit, la proclamation de l’indépendance étant imminente, l’UPC souhaite, avec un argumentaire soutenable, que l’opportunité lui soit donnée de concourir à l’accès au pouvoir. Au terme de plusieurs débats contradictoires aux Nations Unies, ses suggestions ne sont pas retenues. L’enjeu prioritaire pour l’ONU étant moins l’avenir politique de l’UPC, que la première levée de tutelle sur l’un des Territoires internationaux dont elle a la charge, ses États membres décident par vote que des élections générales, avec la participation de toutes les parties, soient organisées après la proclamation de l’indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960. C’est une solution de compromis au regard des oppositions politiques irréductibles suscitées par ce sujet.
À six mois de la proclamation de l’indépendance du Cameroun, la branche de l’UPC présidée par Félix Roland Moumié se retranche derrière le slogan de la quête de « l’indépendance véritable » pour décréter la lutte armée dans le pays et ordonner explicitement l’assassinat de dirigeants politiques camerounais, y compris celui des upécistes qui ne partagent pas ce point de vue. De nouveau, l’UPC revendique la responsabilité de la série de violences meurtrières à caractère terroriste qui endeuille des régions entières du Cameroun durant plusieurs mois, obligeant le régime politique camerounais du président Ahmadou Ahidjo à produire une législation répressive impressionnante pour garantir l’ordre public et assurer la sécurité des biens et des personnes. La dérive autoritaire et l’inclination répressive de l’État postcolonial du Cameroun ne sont pas étrangères à cette politique du pire conduite par les dirigeants exilés de l’UPC après l’arbitrage des Nations Unies sur le sujet de l’indépendance des Territoires camerounais sous sa tutelle.
Cette politique du pire est incomprise à l’époque, et majoritairement condamnée par les populations et les dirigeants politiques de l’État indépendant du Cameroun. Initiée, revendiquée et assumée par la branche exilée de l’UPC, elle est attribuée à tort à l’ensemble du parti de Ruben Um Nyobé. Cette confusion, qui est en réalité une méprise, aide à comprendre pourquoi le Cameroun a pu accéder à l’indépendance avec un régime et une direction qui avaient si peu de points communs et s’inspiraient si peu du passé vibrant de l’UPC.
En criminalisant le combat de l’UPC, et en lui imprimant une orientation idéologique étrangère aux traditions anticolonialiste et nationaliste camerounaises, Félix Roland Moumié et les autres dirigeants de l’UPC de l’extérieur ont largement contribué à accréditer, a posteriori, la thèse ancienne de la puissance administrante selon laquelle l’UPC était une « organisation révolutionnaire de type communiste » qui envisageait avant tout de conquérir le pouvoir politique au Cameroun par la lutte armée.
ISBN : 978-2-343-07302-6
Les handicaps coloniaux de l’Afrique noire
L’Harmattan, Collection études africaines
La colonisation, avec le concept de « mission civilisatrice » comme fondement idéologique, induit fondamentalement une occidentalisation progressive de l’Afrique noire à partir de la fin du XIXe siècle. Difficile de savoir ce que serait l’Afrique noire aujourd’hui en l’absence du choc colonial qui l’engage ainsi inopinément dans une voie ouverte par les puissances européennes, promotrices par ailleurs de la Traite transatlantique à partir du XVIe siècle.
La 1ère partie de ce livre est donc consacrée à la Traite transatlantique. Il ne s’agit pas d’évoquer la Traite des Noirs dans son ensemble. De nombreux auteurs traitent de ce sujet de façon exhaustive, et mettent en particulier en évidence la Traite transsaharienne qui a précédé la Traite transatlantique. Il s’agit ici d’analyser la Traite des Noirs qui a été historiquement conduite par les étatseuropéens qui deviennent plus tard des puissances coloniales. Cela permet, à travers l’évocation du pacte colonial, de mieux mettre en évidence le continuum idéologique qu’il y aen matière économique entre la Traite transatlantique et la colonisation en Afrique noire. L’esprit du pacte colonial inspire les principales spécifications du modèle colonial dominant après la Conférence de Berlin en 1885.
La 2e partie du livre est consacrée à la colonisation. Dans un 1er temps, elle est l’œuvre des sociétés concessionnaires dont l’intérêt économique est, pour dire le moins, la motivation première. Les préoccupations de développement économique du continent interviennent plus tard, dans l’entre-deux-guerres, lorsque les puissances coloniales font le constat de l’échec de la politique de « mise en valeur » de l’Afrique noire par les sociétés concessionnaires. La Seconde Guerre mondiale brise l’élan de développement économique engagé, dans des conditions humaines extrêmes, par les puissances coloniales européennes. Au sortir de la guerre, ces dernières sont financièrement épuisées, et repliées sur leurs problèmes internes de développement économique et social. C’est dans ce contexte que l’élite africaine conquiert l’émancipation coloniale de l’Afrique noire.
L’Afrique noire s’engage dans les années 60 dans un univers mondial de compétition politique et économique avec de lourds handicaps comparatifs. La 3e et la 4e parties du livre sont consacrées à ces aspects. Il ne s’agit pas de procéder à une évaluation de l’œuvre coloniale, mais de mettre en exergue les handicaps majeurs qui sont ceux de l’Afrique noire lorsqu’elle aborde souverainement une compétition dans laquelle 60 années de colonisation et d’occidentalisation l’engagent de fait.
Le sujet du néocolonialisme s’est substitué à celui du colonialisme au début des années 60. Il entretient des controverses autour de la thématique de « l’indépendance véritable » et apparaît manifestement comme un alibi africain face à des contre-performances avérées en matière de développement économique et social. La 5e et dernière partie du livre traite du sujet de l’alibi colonial.
ISBN : 978-2-296-11576-7
Kamé Samuel - Aux fondements du régime politique camerounais
L’Harmattan, Collection études africaines
Ce livre n’est pas une biographie de Kamé Samuel. Les informations sur sa vie privée n’y figurent donc pas. Le jour viendra peut-être où la publication d’une biographie de Kamé Samuel aura un intérêt public.
Ce livre n’est pas non plus une relation détaillée de la longue vie publique de Kamé Samuel. Ses rapports de service, quels qu’ils soient, notamment avec ses collaborateurs au secrétariat permanent de la défense nationale ne sont pas relatés dans ce livre. Il en est de même pour ses rapports avec ses collègues responsables politiques et hauts commis de l’état.
Enfin, ce livre n’est pas une analyse du régime politique camerounais même si certains de ses aspects importants y sont évoqués.
Le livre est en fait consacré à l’analyse des convictions et de l’œuvre politique de Kamé Samuel, lesquelles ont incontestablement contribué, pour une part non négligeable, à façonner le régime politique camerounais. Le sous-titre du livre, Aux fondements du régime politique camerounais, se justifie par ce fait. Il appelle sans doute une précision s’agissant du concept de régime politique. à cet égard, Kamé Samuel lui-même en donne le sens suivant : « Le régime (politique), c’est-à-dire la forme, la nature des institutions publiques… ». Si sa définition intègre les choix politiques et les positions idéologiques des dirigeants, elle correspond à l’acception retenue dans ce livre.
Rétrospectivement, Kamé Samuel est probablement l’homme politique camerounais dont les réflexions théoriques, notamment sur le concept de « parti politique », ont le plus inspiré l’organisation structurelle et les choix idéologiques de l’Union camerounaise dans un premier temps, puis de l’Union nationale camerounaise, partis au pouvoir durant les 25 premières années d’indépendance du Cameroun. D’où l’intérêt d’un éclairage sur ses réflexions théoriques notamment parce qu’elles ont très souvent été dévoyées.
La formation supérieure de Kamé Samuel en droit, en sciences politiques et administratives, et sa filiation dans la famille régnante à Baham ne sont pas étrangères à ses convictions et son parcours politiques. Aussi, la première partie de ce livre est consacrée à l’évocation de sa formation et ses débuts dans l’administration.
Kamé Samuel effectue la plus grande partie de ses études primaires et secondaires à Bafoussam puis à Yaoundé à l’école primaire supérieure. Il termine ses études secondaires en 1948 à Cannes où il obtient son cycle complet du baccalauréat. Il entre ensuite à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP) d’où il sort diplômé en 1952 dans la section « Service public ». Il effectue par la suite des études de droit public à l’Université de la Sorbonne, puis il entre à l’école nationale de la France d’outre-mer (ENFOM) en 1955. Il en sort diplômé au mois de juillet 1957 et rentre ensuite au Cameroun après un séjour scolaire de 10 ans et quelques mois en France.
Au mois d’octobre 1957, Kamé Samuel est affecté comme administrateur en région Bamiléké au Cameroun. Il prend ses fonctions dans une conjoncture politique marquée par la multiplication des crimes d’inspiration politique notamment à Baham, son village natal.
Tous ces aspects relatifs à sa formation et à ses débuts dans les administrations française et camerounaise sont évoqués dans la première partie du livre.
La deuxième partie du livre est consacrée à l’engagement et aux convictions politiques de Kamé Samuel.
Elle commence par l’analyse de ce qu’il est convenu d’appeler « la crise de Baham ». La compréhension de la genèse, du déroulement et du traitement de cette « crise » éclaire de nombreux aspects de la « crise du Bamiléké » qui a mobilisé l’attention des dirigeants politiques camerounais durant de nombreuses années à partir de 1957. Elle aide aussi à comprendre certaines convictions de Kamé Samuel.
L’engagement politique de Kamé Samuel aux côtés d’Ahmadou Ahidjo devient public à partir de l’année 1959 lorsqu’il est mis à la disposition du gouvernement de l’état sous tutelle du Cameroun. Il entre alors dans le parti de l’Union camerounaise et devient, en très peu de temps, l’un de ses principaux inspirateurs sur le plan idéologique, avant d’en être l’un des dirigeants les plus influents.
Les convictions politiques de Kamé Samuel sont connues. Il les a en effet largement exprimées au cours de plusieurs assises de l’Union camerounaise puis de l’Union nationale camerounaise. Difficile d’analyser ses convictions politiques sans évoquer les textes de ses exposés d’une part, au premier séminaire de formation des responsables de l’Union camerounaise tenu à Yaoundé au mois d’août 1961, et d’autre part, le texte de son exposé au premier conseil national de l’Union nationale camerounaise tenu à Yaoundé au mois de novembre 1967. Ces textes ne sont pas seulement commentés dans ce livre. Ils sont fournis en Annexes du livre dans leur intégralité pour aider le lecteur à faire librement son opinion.
Le président Ahmadou Ahidjo a par ailleurs associé Kamé Samuel à toutes les initiatives politiques importantes relatives à la fondation institutionnelle du Cameroun indépendant. La troisième et dernière partie du livre est consacrée à l’évocation de deux de ces initiatives : les travaux du conseil constitutionnel consultatif de janvier 1960, et les travaux de la conférence constitutionnelle de Foumban au mois de juillet 1961. L’analyse des interventions de Kamé Samuel à ces deux assises permet, non seulement de mieux cerner ses convictions politiques, mais également d’évaluer concrètement sa contribution au modelage institutionnel du régime politique camerounais.
Le livre s’achève en 1975 après le 2e congrès de l’Union nationale camerounaise, dit « Congrès de la maturité ». À cette date on peut considérer que les convictions et l’œuvre politiques de Kamé Samuel sont également à maturité. Les derniers paragraphes du livre sont donc consacrés à l’analyse des traits significatifs de l’identitépolitique (au sens courant de ce concept en sciences politiques) de Kamé Samuel qui sont finalement ceux de l’Union nationale camerounaise : l’exigence de l’unité nationale, l’exigence de l’unité de l’état, et la promotion d’un état puissant (au sens de puissance publique), nationaliste et planiste.
ISBN : 978-2-343-00723-6
Cameroun - Du protectorat vers la démocratie 1884-1992
L’Harmattan, Collection études africaines
Du protectorat vers la démocratie. Une quête permanente de libération et de libertés politiques. Cette longue quête démarre après la Conférence de Berlin en 1884. Cette date initialise les processus de colonisation territoriale du Cameroun et d'asservissement de ses populations par l'empire allemand. L'ère coloniale, qui démarre ainsi après 1884, renvoie à ces périodes rudes durant lesquelles les populations du Cameroun sont dépouillées de l'essentiel de leurs droits politiques et sociaux. Ces injustices sont progressivement corrigées sous la pression des élites et des populations du Cameroun. L'indépendance nationale consacre la libération du Cameroun de la tutelle des Nations unies. Mais la période postcoloniale n'est paradoxalement pas l'âge d'or des libertés politiques et de la démocratie au Cameroun. Bien au contraire ! Le pluralisme politique et la démocratisation deviennent, après l'indépendance, les exigences les plus emblématiques du combat politique d'une partie de l'élite camerounaise, au point de leur apparaître comme consubstantiels de l'émancipation coloniale.
Évoquer le cheminement du protectorat vers la démocratie au Cameroun, c'est donc, dans une large mesure, évoquer la quête difficile et la conquête inachevée des droits politiques et sociaux des Camerounais sur une longue période. Tel est l'objet de ce livre qui traite de l'histoire politique du Cameroun sur plus d'un siècle.
Le rapport au colonialisme et le sujet de l'indépendance nationale couvrent la première partie de l'ouvrage qui est consacrée à l'ère coloniale. Viennent ensuite le régime politique postcolonial et le processus lent et tumultueux de la démocratisation du système politique camerounais.
ISBN : 978-2-296-05445-5